Traduit du Néerlandais par Sophie Velasco. Cet article a été publié dans De Leunstoel.
‘C’est bizarre, tout de même...’ ‘Pardon ? Tu parles
de quoi, exactement?’ ‘Je pensais à Marc Ducret.’ ‘Le guitariste français?’
‘Oui, le plus beau cadeau de la France au monde ces temps-ci. A part Louis
Sclavis, peut-être.’ ‘Tu trouves? Mais qu’est-ce qu’il a de bizarre?’ ‘Pas lui,
les choses de la vie. Mais commençons par le
commencement. Ou, du
moins, par ce qui, à mon avis, a été le commencement.’
‘Ça a commencé avec Tim Berne. La première fois que je
l’ai entendu, il jouait sur le CD Spy vs. Spy de John Zorn. En fait, j’avais
découvert Zorn parce que Fred Frith joue dans le disque qu’il avait dédié à
Ennio Morricone. Je suis fan de Frith depuis les débuts de Henry Cow. Au fait,
tu savais que Michael Vatcher joue lui aussi sur ce CD? Je veux dire Spy vs. Spy. ’Là, je suis complètement perdu. De quoi est-ce que tu parles? Tu ne parlais
pas de Ducret?’
‘Tout à fait. J’étais donc intéressé par Tim Berne et ai
acheté plusieurs de ses CDs. Génial ! Des morceaux qui n’en finissaient
pas et qui, en ce qui me concerne, n’avaient aucune raison de le faire et ne le
faisaient d’ailleurs presque jamais. Bref, mon genre de musique. Il y avait
aussi un guitariste extraordinaire. Un Français.
Un certain Marc Ducret.’ ‘Et donc tu t’es mis à collectionner les CDs de Ducret. Rien d’anormal
jusqu’ici, je te connais.’
‘Pas du tout, mais attends. J’avais parlé à mon amie de
mon admiration pour Ducret. Elle avait tout de suite sauté sur Google pour voir
où il se produisait. Et effectivement, il allait passer à Argenteuil, dans la
banlieue parisienne. Tu sais qu’elle est originaire de cette région et donc, elle
a pensé que ce serait une bonne idée de faire d’une pierre deux coups et de
combiner une visite à des amis d’enfance avec ce concert-là. Aussitôt dit
aussitôt fait, je me retrouve assis dans La Cave Dîmière, une superbe petite salle dans le vieux
centre d’ Argenteuil, en train d’écouter Marc Ducret,
avec un big band. Tim Berne était là aussi. ’ Et ton amie elle a aimé? “ Oh que oui. Elle
est devenue fan inconditionnelle du batteur Tom Rainey.’ ‘Et c’était
quand, tout ça, le week-end dernier?’ ‘Pas du tout, en Novembre 2012.’ ‘Et tu y
penses encore?’ ‘Mais non, j’y arrive.’
Hier, j’ai parlé à la sœur de mon amie. Elle a vécu avec
un autre guitariste français, Alain Blesing, dont le père était hollandais,
d’où son patronyme pas trop français. J’ai quelque part un CD de lui qui est
magnifique et où il joue avec John Greaves de Henry Cow et Hugh Hopper de Soft
Machine.’ ‘Tu recommences à t’égarer… « ‘Pardon. Je reviens à mes moutons.
Elle m’a dit qu’elle avait connu Ducret du temps où elle vivait avec Blesing.
Je lui ai demandé si elle le voyait encore, ce qui n’était pas le cas. Elle m’a
aussi dit qu’elle l’avait vu pour la
dernière fois au Chateau d’O, au festival de Montpellier en 1987!’ ‘Et alors? Qu’est-ce
qu’il y a de bizarre là-dedans?’
‘Eh bien il se trouve que j’y étais moi aussi. J’y étais allée avec elle et d’autres amis. Elle avait complètement oublié que j’étais là
mais je me souviens comme si c’était hier d’un guitariste chevelu impressionnant.
Marc Ducret, qui a à présent la tête rasée. J’étais fan de lui avant de savoir
qui il était!’